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Comment taire ?

Me voici, en stage, à trainer mon oreille en « salle du personnel ». Tiens, me dis-je, un échange quelque peu animé entre profs du genre désabusés, peut-être trop abimés par de longues années de bons et loyaux services. Tendant l’oreille, j’enregistre cette conclusion humoristique de l’un d’entre eux : « En septembre des amis me demandaient -alors la rentrée ça s’est bien passé ? ha non, y’avait les élèves, je leurs répond… ».

Cette plaisanterie n’est pas anodine, et l’on peut entendre de la part de quelques profs de nombreuses allusions de ce type-là. Expression d’une fatigue, d’un ras le bol, d’une nécessité d’évoluer professionnellement peut-être…

Mais cette plaisanterie ne m’a pas laissé indifférent. Faire cours sans élève, en voici une chose étrange. Désir de faire cours à un mur… Pouvoir faire son cours sans être embêté par les tas d’interactions que ces êtres humains d’élèves peuvent provoquer… Un étrange désir… Une autre prof, m’expliquant son approche, précise que pour elle l’élève est au centre de tout ce qu’elle entreprend. Symbole de deux logiques opposées !

Désirer l’absence d’élève pour un prof c’est comme désirer l’absence d’oreille pour un musicien, ou l’absence de regard pour un plasticien, l’absence de mangeur pour un pizzaiolo, ou l’absence de doigts pour une guitare, non là je m’égare… Bref, ce désir n’évoque-t-il pas toute la difficulté centrale du métier auquel nous prétendons, à savoir la question de notre relation aux élèves ? faire avec eux, faire pour eux. Ne se doit-on pas de rechercher du plaisir dans notre relation au élèves ? Plaisir de transmettre, plaisir de modeler, plaisir d’échanger, d’apprendre, de jouer, de faire découvrir, plaisir de comprendre et de faire comprendre, plaisir de s’étonner, etc… la relation avec les élèves n’est-elle pas au centre même de notre (futur) métier ?

En effet la seconde prof affirmant placer l’élève au centre de son approche semble prendre plaisir. Il suffit de l’entendre raconter ses aventures journalière d’enseignante, rapportant des situations vécues avec ses élèves de façon passionné et passionnante, souvent avec humour, parfois avec dérision…

D’ailleurs, en faisant un lien rapide avec les théories de l’apprentissage, on voit se dessiner ici le contour de deux approches bien différentes : le désir d’absence d’élève pourrait se rapporter à une conception pédagogique classique de cours magistral, tandis que la seconde situation pourrait faire penser aux approches constructivistes et socio-constructivistes. Mais une chose me questionne en parcourant nos cours sur ces courants, en feuilletant les livres de ces spécialistes de théories de l’apprentissage, quel que soit le courant, où parle-t-on du plaisir ? Le plaisir de l’enseignant, dans sa relation aux apprenants, n’serait-ce pas là le point de base de toute théorie éducative ?

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esc/comment_taire.1515276852.txt.gz · Dernière modification : 2018/01/06 22:14 de sbenvenuto